Le Sénégal traverse une phase critique, pris en étau entre une crise économique d’une gravité inédite et une menace sécuritaire régionale grandissante. Face à ce double péril existentiel, la réaction attendue de l’élite politique est un sursaut national. Manifestement, le pays assiste plutôt à un spectacle d’irresponsabilité.
Sur le plan économique, le pays est exsangue. La révélation de la dette cachée, conjuguée aux dynamiques des marchés, a propulsé le Sénégal en « territoire de détresse de la dette ».
Les indicateurs sont alarmants. Le spread (prime de risque) sur les obligations sénégalaises par rapport aux US Treasuries a atteint 1 077 points de base (bps) ce mercredi, un record historique, selon les données de JPMorgan Chase & Co. Ce seuil, largement supérieur à la marque de détresse de 1 000 bps, isole le pays des marchés de capitaux mondiaux, le plaçant au côté d’émetteurs fragilisés comme le Mozambique et le Gabon.
Ce marasme économique n’est pas une fatalité populaire, mais bien le résultat de choix politiques passés. L’héritage que l’ancien président Macky Sall vante aujourd’hui est en réalité un héritage de cendres, attesté par les audits et les institutions sérieuses.
Parallèlement, la sécurité régionale nous rappelle à l’ordre. Malgré le dévouement de l’Armée, l’inquiétude est légitime face aux développements au Mali. Le blocus imposé à Bamako par les jihadistes du JNIM est un signal clair : ces derniers rêvent d’installer un État théocratique et d’essaimer leur idéologie mortifère.
Comme l’avertissait le Pr. Ibrahima Thioub, si le Mali s’effondre, l’effet domino sur la Sénégambie est une menace concrète.
Face à ces deux fronts – financier et sécuritaire – que font les élites ? Elles se livrent à des querelles intestines, des luttes de pouvoir au sein de la majorité présidentielle, des futilités opportunistes et la stratégie de la terre brûlée du côté de l’opposition. En résumé, une belle brochette d’irresponsables.
Si l’ex-Président Sall porte la responsabilité première de l’héritage économique, les « héritiers » ne sont pas exempts de critique.
Le gouvernement donne l’impression d’être dépassé par la situation, ses plans et contre-plans révélant une incapacité à trouver des solutions innovantes.
Le plus grand manquement réside dans le silence assourdissant face à l’inquiétude populaire. Ni le Président Bassirou Diomaye Faye ni le Premier ministre ne tiennent au peuple un discours de vérité, de réalisme, d’espoir et de mobilisation.
Pire, l’exécutif offre un nouveau feuilleton tragi-comique de querelle interne. Loin d’être un remake du choc Dia-Senghor – où existaient des divergences idéologiques de fond – le couple Diomaye-Sonko nous donne l’impression d’une querelle d’ego et de leadership, un véritable pied de nez à un peuple confronté à la double menace de la faillite et de l’insécurité.
En ces temps incertains, le pays a fondamentalement besoin de cohésion et d’unité, ainsi que d’un sens aigu de la responsabilité. Cela n’implique pas une unanimité stérile sur tous les sujets, mais exige de l’élite de faire corps autour de ce que nous avons en partage : le destin de la Nation. Les hommes politiques, quels qu’ils soient, sont appelés à passer, mais le Sénégal, lui, restera.








