En nommant Aminata Mimi Touré à la place d’Aida Mbodj comme coordonnatrice de la coalition DiomayePrésident, le chef de l’Etat a posé un acte fort. Il a publiquement désavoué Ousmane Sonko. Un geste considéré par certains comme une manière d’assumer son rôle de président face à son « hyper » Premier ministre. Mais en creusant un peu plus, Diomaye Faye n’a-t-il pas commis sa première grosse erreur politique ?
Serein et discret, Diomaye Faye avait répondu à toutes les dernières polémiques par le silence. Visé par les « pastefiens » après la nomination de Samba Ndiaye comme PCA de la SN-HLM (il ne prendra jamais fonction), ou après les heurts durant la campagne législative, lorsque Ousmane Sonko avait parlé de « problèmes d’autorité », Diomaye Faye avait toujours réagi avec sérénité, discrétion et dans le silence. Une posture qui lui avait valu plusieurs félicitations de Sénégalais.
Mais ce mardi soir, le chef de l’Etat a changé son fusil d’épaule. Après le tera-meeting de son Premier ministre, le président Faye a publié un communiqué pour nommer Mimi Touré, alors qu’Ousmane Sonko avait insisté sur la légitimité d’Aida Mbodj à ce poste. Déjà, un premier problème de forme se pose : la qualité de Diomaye Faye pour faire ce communiqué. Le chef de l’Etat démissionnaire de Pastef pour se décharger de la politique politicienne, semble revêtir ce vieux costume. Galyssa Boully, responsable du Pastef dans la diaspora, a pointé du doigt cette ambiguïté.
Le communiqué, lui-même, a aussi fait tiquer certains analystes politiques. Le professeur Moussa Diaw, politologue contacté par Seneweb, parle d’une erreur de communication de la part du président de la République. « C’est une erreur. Il a levé un affront entre lui et Sonko. C’est une réaction spontanée par rapport à la mobilisation de Sonko. Il l’a publiquement désavoué. Il a montré qu’ils ne sont pas sur la même longueur d’onde. Il n’aurait pas dû. Ça peut déstabiliser la situation politique et institutionnelle du Sénégal », dit-il.
Pour le Pr. Diaw, la situation aurait pu se régler sans tambour. « Il (Diomaye Faye) devait corriger Ousmane Sonko, mais avec la courtoisie et les formes qui sied. Il aurait pu le faire en privé. Il devait faire en sorte que l’opposition ne soit pas au courant. Il n’aurait pas dû désavouer publiquement son Premier ministre. Il a montré à tout le monde qu’ils n’ont pas la même vision », ajoute le politologue, qui redoute une rupture entre les deux hommes forts du gouvernement.
Alors, Diomaye Faye vient-il de commettre sa première erreur politique avec la nomination de Mimi Touré ? La question a aussi été posée à Babacar Ndiaye, analyste politique joint au téléphone par Seneweb. « Je ne sais pas si c’est une erreur, mais il y a deux choses : le timing du communiqué, mais aussi la personne qui a été choisie pour diriger la coalition (Mimi Touré), alors que Sonko avait directement évoqué Aida Mbodj comme coordinateur », note l’expert.
Babacar Ndiaye relève aussi un problème de forme dans la publication du communiqué de Diomaye Faye suivi de celui du Pastef d’Ousmane Sonko. « Ce qui se passe avec ces deux communiqués est assez déconcertant. Le président et le Premier ministre auraient pu en parler directement », dit-il.
L’analyste s’interroge également sur le choix de Diomaye Faye de donner une seconde vie à la coalition DiomayePrésident. « A quoi bon vouloir donner une nouvelle existence à cette coalition qui ne semble pas avoir d’avenir ? Je pose la question de la pertinence de remettre la coalition au-devant de la scène, d’autant plus que Pastef a remporté les élections législatives sous sa bannière », dit-il.
Un point auquel le politologue Moussa Diaw va apporter un élément de réponse. Selon le professeur, cette décision de Diomaye Faye annonce déjà une volonté de se présenter pour un second mandat, en 2029. « Il y a des ambitions politiques inavouées. C’est comme si le président prévoyait un second mandat. On sait que cela se prépare très tôt et on sent une volonté de solidifier la base politique avec cette coalition. Ce qui crée deux ambitions heurtées », a analysé le politologue.
Le risque, dit-il, c’est que cette situation s’aggrave pour créer une crise institutionnelle et politique. Ce que personne ne souhaite, pour le bien du Sénégal.








