Le Premier ministre Ousmane Sonko a annoncé une prochaine baisse des prix de l’électricité, du carburant et du gaz, réaffirmant l’engagement du gouvernement à alléger le coût de la vie des Sénégalais. Si la date d’entrée en vigueur n’est pas encore précisée, il en va de même pour la stratégie concrète qui sera mise en œuvre pour atteindre cet objectif.
Lors de la cérémonie d’installation du comité de pilotage du Pacte national de stabilité sociale pour une croissance inclusive et durable, le Premier ministre Ousmane Sonko a annoncé, lundi, une prochaine baisse des prix de l’électricité, du carburant et du gaz. Il a réaffirmé la volonté du gouvernement d’alléger le coût de la vie et de renforcer le pouvoir d’achat des Sénégalais. « Bientôt, nous allons procéder à une baisse des prix de l’électricité. Il en sera de même pour le carburant et le gaz », a-t-il déclaré, sans toutefois préciser la date d’entrée en vigueur de ces mesures.
Cette annonce intervient quelques jours après que le chef de l’État, Bassirou Diomaye Faye, a demandé au gouvernement, en conseil des ministres, de veiller à la maîtrise des prix des produits de grande consommation et à la stabilité des services essentiels.
Quel levier immédiat à actionner ?
La perspective d’une baisse des tarifs de l’électricité a été largement saluée par les Sénégalais, qui subissent la pression d’un contexte économique marqué par une inflation persistante. Reste toutefois à savoir comment le gouvernement compte concrétiser cette mesure, alors que sa marge de manœuvre à court terme semble limitée. Le recours à de nouvelles subventions ou à un ajustement des taxes reste à confirmer.
Pour Mbaye Hadj, ingénieur spécialiste des questions énergétiques, le coût final de l’électricité dépend de plusieurs variables complexes : le mode de production (thermique, solaire, hydraulique…), le prix des combustibles fossiles, le réseau de transport et de distribution, ainsi que les taxes et redevances appliquées par l’État.
Interrogé sur Seneweb, il a souligné qu’il serait illusoire d’attendre des changements structurels majeurs à court terme. « Construire de nouvelles centrales prend des mois, voire des années ; mettre en place un réseau intelligent capable d’optimiser la distribution demande également du temps et des investissements lourds », explique-t-il.
Selon lui, le levier immédiat dont dispose le gouvernement pour réduire rapidement la facture des consommateurs reste la diminution des taxes et prélèvements appliqués sur le prix de l’électricité. Derrière cette mesure, se dessine également une stratégie énergétique nationale ambitieuse, liée à l’exploitation des ressources gazières locales, notamment le gaz issu du projet Grand Tortue Ahmeyim (GTA), gisement partagé avec la Mauritanie. « Le gaz du projet GTA semble avoir été renégocié, permettant au Sénégal de disposer d’un quota réservé avec des conditions économiques avantageuses », précise l’expert.
Des tarifs élevés malgré une subvention étatique de 214 milliards Fcfa
Avec un tarif moyen de 127 francs CFA par kilowattheure, l’électricité sénégalaise reste nettement plus chère que dans d’autres pays de la région, comme la Côte d’Ivoire (87 francs CFA). Habib Sy, président du conseil d’administration de la Senelec, attribue cette différence à la dépendance au fuel lourd importé, aux taxes et aux coûts opérationnels élevés. Malgré une subvention étatique de 214 milliards de francs CFA – soit 90 000 francs par consommateur et par an – les ménages continuent de ressentir le poids des factures.
Le système prépayé Woyofal, utilisé par 72 % des 2,3 millions de clients de la Senelec, est particulièrement critiqué pour son opacité. Pour y remédier, Habib Sy annonce une réunion prochaine avec le ministère du Commerce, les associations de consommateurs, le fournisseur de compteurs Exim et la Commission de régulation de l’électricité, afin d’améliorer la communication sur son fonctionnement.
Mais pourquoi l’impression de perdre des kilowatts persiste ? Le compteur Woyofal repose sur un principe de prépaiement d’électricité avec une tarification par tranches. Trois paliers sont définis : la première tranche (jusqu’à 150 kWh) où le prix du kilowatt est le plus bas, la deuxième tranche (151 à 250 kWh) plus chère, et au-delà, une tarification alignée sur la deuxième tranche. Autrement dit, plus vous consommez dans le mois, plus le kilowatt supplémentaire coûte cher.
À cela s’ajoute une redevance fixe prélevée une seule fois par mois, au moment de la première recharge. Cette redevance, autour de 400 F, peut représenter une part importante si la première recharge est petite, mais devient négligeable sur un montant plus conséquent.
La Senelec dispose d’une capacité de production de 1 950 mégawatts, suffisante pour couvrir la demande actuelle. Cependant, seulement 23 % de cette électricité est produite directement par la société ; le reste provient de producteurs privés, notamment solaires. Cette externalisation a permis de résoudre d’anciens problèmes de production, mais contribue aux coûts élevés.
Baisse du prix à 60 FCFA d’ici 2050
Le gouvernement mise sur l’exploitation du gaz sénégalais dès 2026 pour réduire les tarifs. Les centrales, comme celle de Bel Air, sont en cours de conversion pour utiliser ce gaz. Des subventions ciblées et un approvisionnement en gaz naturel liquéfié (GNL) sont également à l’étude. Habib Sy affiche un objectif ambitieux : ramener le prix de l’électricité à 80 francs CFA d’ici 2034, puis à 60 francs CFA d’ici 2050.
En attendant, il s’engage à améliorer la communication et la gestion des compteurs pour apaiser les tensions : « Les populations ont raison, l’électricité coûte cher, le Woyofal n’est pas très bien compris », a-t-il reconnu.
Le collectif Noo Lank, qui défend les consommateurs, accueille favorablement l’annonce, tout en dénonçant le système Woyofal : « Les usagers paient d’avance et voient pourtant leurs consommations rester trop chères. Woyofal doit soulager, pas étrangler ». Dans un communiqué, le collectif demande des baisses concrètes pour tous les ménages, les PME et les couches vulnérables, afin que les annonces gouvernementales se traduisent en actes tangibles et vérifiables.
Le Premier ministre a réaffirmé que le gouvernement s’engage à « poser des actes concrets » pour améliorer les conditions de vie des Sénégalais, en cohérence avec le Plan de redressement économique et financier 2025-2029.
